La respiration dans le yoga : entre science et tradition

Bien qu’aujourd’hui la pratique soit très glamourisée, avec des postures toutes plus improbables et acrobatiques les unes que les autres, une sollicitation physique et corporelle pouvant être (vraiment) intense, le yoga n’a de base rien de très postural ! Je mentirais si je n’avouais pas que je fais en partie du yoga justement pour cet aspect sportif, il me paraissait toutefois intéressant et pertinent de commencer ce programme Sun & Yoga en revenant à l’origine de ce dernier : la respiration.

« Yoga citta vritti nirodha », ce deuxième sutra des Yoga Sutras de Patanjali, texte majeur du yoga, donne une définition parfaite de ce qu’est le yoga : le yoga est l’arrêt de l’activité automatique du mental. Il s’agit avant tout de réussir à taire toutes nos petites voix, d’arriver à se concentrer, de ne pas se laisser dépasser par nos flux intérieurs et de se recentrer sur soi. L’un des outils pour arriver à cela est la respiration. En prenant conscience de sa respiration et en apprenant petit à petit à la contrôler, on apaise doucement tout le reste. Dans la tradition du yoga, cette vérité est connue depuis des millénaires. La preuve, jusqu’à l’heure de la science, était essentiellement empirique : j’expérimente, je ressens les bienfaits alors je partage, d’autres ressentent également les bienfaits, alors cela fonctionne ! Je caricature un peu… Mais pas tant !

Heureusement aujourd’hui, les recherches scientifiques permettent aussi de comprendre les mécanismes physiologiques qui expliquent pourquoi certaines techniques de respiration améliorent notre bien-être, réduisent l’anxiété et renforcent notre résilience face au stress. Au travers de cet article, je vous propose donc d’explorer et de vulgariser ces liens à travers le prisme des neurosciences et de la tradition yogique.

Le Pranayama

Toute d’abord, la pratique de la respiration dans le yoga se nomme le Pranayama.
« Prana » signifie l’énergie vitale. Le Prana est partout autour de nous, c’est ce qui nous constitue, ce qui nous anime et ce que l’on doit entretenir pour se sentir bien. On entretien son Prana par le mouvement, par le fait d’être en extérieur, d’être proche de la nature, d’être avec les autres etc. A contrario, le stress, par exemple, impacte notre Prana négativement.
« Ayama » signifie le contrôle.

« Pranayama » est donc le contrôle de cette énergie vitale, où comment mobiliser consciemment cette énergie par le souffle.

Il existe de nombreuses techniques de Pranayama pour faire cela. Dans la séance 1 du programme Sun & Yoga nous avons travaillé 2 techniques : la respiration complète et la respiration carrée (ou Sama vritti).

La respiration complète consiste à solliciter à la fois la respiration abdominale, la respiration thoracique et la respiration claviculaire. Lorsque l’on inspire, le diaphragme s’abaisse, poussant les organes vers le bas et le ventre se gonfle, les côtes s’écartent et la cage thoracique s’élargit, enfin les épaules et les clavicules se soulèvent légèrement.

A l’expiration tout redescend dans l’ordre inverse.


La respiration carrée quant à elle, consiste à réaliser 4 actions sur un temps donné équivalent : inspiration complète, rétention poumons pleins, expiration complète, rétention poumons vides. On peut commencer à pratiquer cette respiration sur 4 temps pour chaque étape par exemple, et augmenter petit à petit pour approfondir sa respiration et les bienfaits associés.

L'apport de la science

Mais concrètement, lorsque l’on pratique ces respirations profondes que se passe-t-il dans le corps ? Déjà, le diaphragme est activé efficacement. Il est le muscle principal de la respiration et lorsqu’il se contracte il augmente le volume de la cavité thoracique. Il permet alors une meilleure entrée d’air dans les poumons. A chaque inspiration, il va agir comme le piston d’une seringue : il s’abaisse et s’aplatit augmentant ainsi le volume du thorax pour faire entrer l’air dans nos poumons. Il se contracte plus de 20 000 fois par jour et davantage si l’on fait de l’exercice ! C’est dingue non ?

Ce qui est assez fou aussi, c’est que cette sollicitation lente et profonde du diaphragme stimule le nerf vague. Ce nerf part du tronc cérébral et s’étend à travers le corps, en passant par la nuque, en de multiples branches, côtoyant également le grand intestin et d’autres organes vitaux. Lorsqu’il est stimulé par la respiration profonde, il envoie des signaux qui active le système nerveux parasympathique et permet ainsi de ressentir de l’apaisement.

Le système nerveux parasympathique est l’une des branches du système nerveux autonome (SNA). Le SNA est une partie du système nerveux qui fonctionne de manière autonomique sans avoir besoin d’y penser. Il va notamment contrôler certaines fonctions vitales comme le rythme cardiaque, la digestion, la transpiration ect et aussi, la respiration !
Le SNA a donc 2 branches : une branche sympathique et une branche parasympathique. L’ensemble de notre corps est innervé de ces 2 branches.

La branche sympathique est la branche qui prépare le corps à l’action en cas de stress ou de danger, c’est le mode Fight or Flight. Le système sympathique va nous permettre de réagir. De ce fait, il va accélérer le cœur, inhiber la digestion, augmenter la respiration etc
A contrario, la branche parasympathique est la branche qui calme le corps et favorise la récupération, c’est le mode Rest and Digest. Le système parasympathique va ralentir le cœur, stimuler la digestion, favoriser le calme etc.

La respiration est donc l’un des seuls moyens conscients d’influencer le système nerveux autonome : une respiration rapide va stimuler le système sympathique et une respiration lente et profonde va stimuler le système parasympathique.

Nous n’avons, dans la pratique de la première séance, pas expérimenté de respiration rapide. Si le sujet t’intéresse, je te laisse découvrir la technique Kapalabhati. Tu trouveras de nombreux articles ou vidéos en ligne. Attention toutefois, il s’agit d’une pratique plus avancée qui nécessite déjà une bonne maitrise de techniques de pranayama plus « classiques ».

Le rôle de la respiration ne s’arrête toutefois pas là ! De manière plus générale, plusieurs études ont montré que les pratiques de respiration augmentent aussi la variabilité de la fréquence cardiaque, ce qui est un indicateur d’une meilleure régulation émotionnelle. La respiration rythmée pourrait aussi favoriser une meilleure communication entre différentes régions cérébrales !

Pour aller plus loin

Enfin, vous l’aurez compris, apprendre à bien respirer et à respirer profondément ne peut avoir que des vertus pour se sentir bien. La respiration est vraiment le socle fondateur de la pratique du yoga. Ce dernier ne deviendra d’ailleurs que réellement postural (comme on l’entend aujourd’hui) à partir du 20ème siècle ! Oui oui, du 20ème siècle ! Mais c’est une histoire pour une autre fois…

Je te mets ci-dessous les étude, méta-analyse et référence bibliographique principales sur lesquelles je me suis appuyée si tu souhaites aller plus loin dans ta compréhension.

Références
Breath of Life: The Respiratory Vagal Stimulation Model of Contemplative Activity ; Roderik J S Gerritsen, Guido P H Band ; 2018
Effect of breathwork on stress and mental health: A meta-analysis of randomised-controlled trials ; Guy William Fincham, Clara Strauss, Jesus Montero-Marin, Kate Cavanagh ; 2023
Textbook of Medical Physiology (13e éd.) ; Guyton & Hall

J’espère en tout cas que ces quelques explications, (très) vulgarisées, pour accompagner la première séance du programme t’auront intéressées. N’hésite pas à me laisser un commentaire pour me dire ce que tu en penses et peut-être partager d’autres articles, livres, données si le sujet te passionne 😊

A très vite sur le tapis !

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